Problème de l’action directe du transporteur en droit OHADA

Par Ali SIDIBE, docteur en droit de l’université de Paris 1 Panthéon Sorbonne et Avocat à la Cour d’appel de Paris.

Le paiement des créances résultant de la lettre de voiture est régi par les articles 13 et 15 de l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route (AUCTMR). Aucun acte uniforme de l’OHADA ne comporte trace d’ une action directe.

L’action directe du transporteur, s’il est fondé, permet à celui-ci de se faire payer le prix du déplacement et prestations annexes, en cas de défaillance de son donneur d’ordre. Elle sera d’ordre public interne de protection, c’est à dire interdiction de faire renoncer le transporteur au bénéfice de l’action directe.  

Il demeure une difficulté d’admission de l’action directe en vertu de l’AUCTMR.

Si l’action directe est fondée sur l’Acte uniforme, ce serait l’article 13 alinéa 3, qui permet au transporteur de retenir la marchandise jusqu’au paiement du prix par le destinataire qui acceptera la livraison. Il stipule que ce destinataire est tenu de payer le montant des créances résultant de la lettre de voiture.

Cette disposition règle ainsi le problème du destinataire se prévalant de ses droits en application de l’alinéa 1er de l’article précité. Elle rend le destinataire garant du prix du transport dès l’instant où il revendique la marchandise et demande son exemplaire de la lettre de voiture.

La revendication de la marchandise se présente dès lors comme la pièce angulaire du système, parce qu’elle suffira pour exiger au destinataire le paiement du prix. Néanmoins, en cas de refus de paiement par le destinataire, l’article 15 AUCTMR impose au transporteur d’en aviser le donneur d’ordre et lui demander des instructions.

Mais qu’en est-il lorsque le destinataire ne se prévaut pas de ses droits?

C’est de là qu’apparait l’insuffisance des dispositions précitées pour résoudre le problème puisque l’AUCTMR est muet sur ce point.

Dans pareille hypothèse, certains auteurs enseignent que seul l’expéditeur demeure tenu du prix[1]. À notre connaissance, ni les juridictions nationales, ni la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ne se sont jamais prononcées, pour l’heure, sur la nature du mécanisme issu de l’article 13 AUCTMR.

Pour boucher le trou afin de régler le problème d’un voiturier impayé contre le destinataire de la marchandise, d’autres auteurs puisent dans le droit commun des contrats. C’est qu’ainsi qu’on recherche à la loupe une solution dans le code civil français. Cette théorie se fonde sur l’article 1798 (l’action directe du sous-traitant entrepreneur, maçon, charpentier, à l’égard du maitre de l’ouvrage) qui devrait pouvoir s’appliquer mutatis mutandis au transporteur. Cette démarche est légitime puisque le code civil français est source de droit positif dans la plupart des États membres de l’OHADA.

Toujours dans le but de trouver une possible action directe transposable pour les transporteurs contre les destinataires, les regards sont fixés vers l’action oblique, l’action paulienne, dans l’enrichissement sans cause, dans les principes généraux du droit,[2].

La solution est simple : transposer l’action directe du sous-traitant entrepreneur au cas du transporteur.

L’action directe du transporteur peut se fonder sur le contrat de transport lui-même, précisément de l’obligation de payer le prix du transport. Il faut donc que les contractants prennent soin de préciser que le transporteur peut se faire payer le prix du transport et prestations annexes directement par le destinataire, en cas de défaillance de son donneur d’ordre.

Il apparait donc plusieurs propositions doctrinales, il reste qu’à attendre une consécration législative ou jurisprudentielle.

 

On rappelle que la question est élucidée en France grâce à la loi n° 98-69 du 6 février 1998 portant modification de l’article 101 du Code de commerce ; Le nouvel article L 132-8 du Code de commerce français rend explicitement et impérativement, l’expéditeur et le destinataire, garants du prix du transport, le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire.

 

 

Sources

1)      BON GARCIN Isabelle, BERNADET Maurice, DELEBECQUE Philippe, Droit des transports, Précis, Dalloz, 2ème éd., 2018.

2)      PUTZEYS Jacques, Revue de Droit Uniforme, 2006, NS-volume XI, Unidroit,  p. 654

3)      Thèse, SIDIBE Ali, Paris 1, 2019, page 245 s.

4)      Code civil français

5)      Acte uniforme de l’OHADA relatif aux contrats de transport de marchandises par route

 

Le 05/02/2023



[1] BON-GARCIN Isabelle, BERNADET Maurice, DELEBECQUE Philippe, Droit des transports, 2ème éd., op. cit. p. 409, n° 460.

[2] Idem Jacques PUTZEYS, Revue de Droit Uniforme, op. cit,  p. 654


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