La révision du prix de transport en cas d’inflation de carburant dans l’espace OHADA sous la lumière du droit français.

Par Ali SIDIBE, docteur en droit de l’université de Paris 1 Panthéon Sorbonne et Avocat à la Cour d’appel de Paris

Face à l'évolution de la situation économique et sociale, les pays de l’espace OHADA se sont mis à construire petit à petit un système juridique propre, moderne et uniforme, en Afrique de l’Ouest et du Centre afin de notamment de sécuriser les affaires dans la région.

La multiplication des accords enregistrés entre ces 16 pays membres pour une meilleure coopération interrégionale dans le domaine des transports routiers des marchandises, suite à  l'accroissement des investissements et des échanges des biens et des services entre ces États (UEMOA, CEDEAO, TRIE, Conseil de l’entente, CEMAC, CIETRMD, AUCTMR) en est une preuve.

En principe le prix du contrat de transport n’a pas à être modifié en cas d’évolution ou de transformation du contexte économique, financier, politique ou social[1].

Mais la volonté du législateur d’imposer un réel équilibre dans le prix du transport a conduit à instaurer le paiement d’une juste rémunération en faveur du transport.

En ce moment où l’inflation atteint son ressort et revient sur le devant de la scène juridique et économique, on est en mesure de se demander, s’il est possible de modifier le prix du transport lorsqu’intervient entre la commande et de la réalisation du transport une montée de prix de carburant ?

À la faveur de l’équilibre des relations entre transporteur et donneur d’ordre, l’Acte uniforme dans son article 15 §2[2], confère au transporteur, une action en redressement du prix convenu afin de réclamer un supplément de prix.

Le code civil français prévoit que le contrat peut être, sous certaines conditions, révisé en cas de changement des circonstances ayant présidé à sa conclusion (art. 1195). Cette disposition est naturellement applicable au contrat de transport.

Le droit français des transports a fait l’œuvre de pionnier en admettant dès 1995 la révision du contrat. En effet, dès cette date, le législateur a introduit une disposition destinée à intégrer les conséquences de la variation du prix du gazole dans le prix du transport. Ainsi, l’article L. 3222-1 organise désormais la révision de plein droit du prix du transport pour crise pétrolière en ces termes : « Lorsque le contrat de transport mentionne les charges de carburant retenues pour l'établissement du prix de l'opération de transport, le prix de transport initialement convenu est révisé de plein droit pour couvrir la variation des charges liée à la variation du coût du carburant entre la date du contrat et la date de réalisation de l'opération de transport. La facture fait apparaître les charges de carburant supportées par l'entreprise pour la réalisation de l'opération de transport ».

Le redressement du prix de transport permet donc au transporteur de se faire payer la différence en cas de variation du coût du carburant.

C’est le cas lorsque le contrat a ouvert cette possibilité, par exemple par une clause d’indexation ou de variation du prix.

Le transporteur peut ainsi demander, par l’effet d’une clause contractuelle, un supplément au prix initialement prévu lorsqu’il apparait dans le jeu, une inflation du carburant.

En effet, pour triompher, une clause gazole doit être insérée dans le contrat du transport. À défaut d’un tel accord, le transporteur ne peut pas facturer la hausse du carburant[3]. Aussi, les parties doivent identifier les charges du carburant dans le prix du transport. Si elles ne l’ont pas fait, le prix du gazole sera naturellement celui en vigueur le jour de la commande.

A défaut d’une convention, le juge doit pouvoir réviser le prix convenu en cas de déséquilibre, puisqu’il lui appartient de procéder à l’appréciation des circonstances de la cause et de l’importance des services rendus pour fixer le montant de la rémunération du mandataire, à défaut de convention des parties[4] ;

En conséquence, le prix du transport initialement convenu sera révisé par application aux charges du carburant la variation de l’indice gazole officiel sur la période allant de la date de la commande de transport à sa date de réalisation[5]. 

Sur la prescription, l’action en paiement du complément de surcharge gazole qui découle du contrat de transport est soumise à la prescription annale[6]. 

 

SOURCES

Législative :

Acte uniforme relatif au contrat de transport routier de marchandises par route, article 15 § 2 de

Code des transports français, art. 3222-2.

Doctrinale

BON GARCIN Isabelle, BERNADET Maurice, DELEBECQUE Philippe, Droit des transports, Précis, Dalloz, 2^ème éd., 2018 p. 308, n° 319.

Amiens, le 16 avr. 2009, BTL 2009, 324, obs. TILCHE

C. com. 1^ère, 23 oct. 1979, Bull. Civ. I, n° 252. Sur le pouvoir souverain de contrôle et de révision des juges du fond, v. Réq. 12 déc. 1911, DP 1913, 1, 129, note FEUILLOLEY.

Rennes, 9 Août 2011, RDT, 2011, n° 171, obs. PAULIN; BTL, 2011, 509, obs. TILCHE. 

 

Le 31/05/2022

[1]Sur ce point, BON-GARCIN Isabelle, BERNADET Maurice, DELEBECQUE Philippe, Droit des transports, 2^ème éd., p. 308, n° 319.

[2] Article 15 § 2 « Si la marchandise n’est pas de la même nature que celle décrite au contrat ou si sa valeur est supérieure au montant déclaré, le transporteur peut réclamer le prix qu’il aurait pu exiger pour ce transport »

[3] Amiens, le 16 avr. 2009, BTL 2009, 324, obs. TILCHE

[4] C. com. 1^ère, 23 oct. 1979, Bull. Civ. I, n° 252. Sur le pouvoir souverain de contrôle et de révision des juges du fond, v. Réq. 12 déc. 1911, DP 1913, 1, 129, note FEUILLOLEY.

[5] Code des transports, art. 3222-2.

[6] Rennes, 9 Août 2011, RDT, 2011, n° 171, obs. PAULIN; BTL, 2011, 509, obs. TILCHE.